Une sécurité intérieure, un élan pour les autres, un désir d’exploration et de relativisation des risques.
« Aie confiance en toi : chaque cœur vibre à cette corde de fer. »
Ralph Waldo Emerson
Confiance : un mot, des mots, des maux…
En entreprise ou bien encore dans d’autres contextes professionnels, on désigne parfois le sentiment de confiance en soi comme une « méta-compétence », une « compétence générique », transposable d’une situation à une autre.
En coaching, ou dans le registre du développement personnel, la confiance, et donc par extension, la confiance en soi, sont généralement entendues à partir de l’histoire d’une personne, ses dimensions affective, comportementale et psychologique.
La confiance en soi est alors de fait corrélée à l’histoire personnelle, celle d’une famille, ou plus largement celle d’un groupe social : c’est-à-dire la somme provisoire d’expériences et de rencontres d’une vie en cours de déroulement. La confiance en soi devient la caisse de résonance des échecs, des blessures et punitions vécues, lorsque par son absence, ou sa carence, elle oriente le discours et ratifie les actes sur l’autel de la négativité généralisée et de la culpabilité exclusive des autres. Elle est rayonnement, espérance, indulgence et amour, au présent, lorsqu’elle devient médiatrice des réussites, des attentions et récompenses passées qui fondent les soubassements de l’édifice humain.
Cet humain qui sait et qui mise, parce que pour lui cela a été possible, sur un fond positif, constructif et non destructeur.
Abordée à partir de son étymologie (fides, foi), de son environnement lexical et relationnel, avoir confiance en soi, avoir confiance en d’autres que soi, c’est : se fier, se confier, faire et accueillir des confidences, avoir des croyances et des convictions.
La confiance n’est cependant pas la crédulité ou la naïveté qui en sont ses pâles copies.
La confiance est du domaine du possible, du devenir, jamais acquise « une bonne fois pour toute ». Elle est le nécessaire pendant de la vulnérabilité, puisqu’elle peut être à tout instant abusée, perdue, mais aussi retrouvée, renforcée.
La confiance en soi comme forme de sécurité intérieure.
Sur le plan des activités entrepreneuriales et professionnelles, la confiance en soi se caractérise principalement par une dynamique d’engagement et de partage.
Pour faire et construire, pour proposer et négocier, pour planifier et innover, il faut être suffisamment confiant : en soi, mais aussi en la possibilité de réalisation de ce qui est et devient de par les autres, avec les autres.
Cette forme d’assurance pourrait s’entendre comme une forme de sécurité intérieure.
Cette image de sécurité intérieure pourrait correspondre à celle d’un foyer.
Étymologiquement, le foyer est le lieu où brûle un feu. Un foyer est donc une disposition matérielle (ou métaphoriquement non matérielle) qui permet d’être en contact avec une forme de chaleur ambiante, intérieure, que nous pourrions tout aussi bien appeler « confort ».
Le foyer est le lieu du confort qui favorise la halte, la pause, la discussion, l’accueil, le partage ; et qui en cela, s’oppose à l’errance, l’effort, le rejet ou la solitude.
Etre dans une forme de sécurité intérieure correspond à une capacité à accueillir et soutenir un état d’accueil, de rayonnement intérieur chaleureux et d’ouverture au monde qui favorise l’absence de troubles et d’agitation (ataraxie, sérénité).
Cette assurance-là qui peut se (re)trouver, et permettre aussi de maintenir sa position « au cœur de la tempête », est « confiance » comme sol ferme et foyer tout à la fois.
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve »
Hölderlin
La confiance en soi comme élan vers les autres.
Nous pouvons constater que certaines personnes sont, plus ou moins, naturellement douées pour aller vers les autres : c’est-à-dire créer du lien social authentique et des rapports amicaux.
Avoir confiance en soi présuppose le fait que nous pouvons aussi avoir confiance en d’autres personnes et donc échanger avec elles (de prime abord).
Cela tient-il vraiment au fait d’« avoir eu une mère suffisamment bonne », comme le soulignait le psychiatre britannique Daniel Winnicott, ou bien encore cela relève-t-il du fait d’avoir eu un père suffisamment présent ?
Avant d’être des adultes, les premiers adultes vers lesquels les enfants se tournent sont les parents.
Mais il y a aussi ce que nous recevons (ou pas), et ce que nous faisons de ce que nous recevons (ou pas). Les responsabilités sont donc partagées.
La confiance en soi, au présent, ne relève pas de je ne sais quelles « clés », comme on nous le surine régulièrement, mais bien d’un premier rapport vital à partir duquel un fond se fonde et se développe plus ou moins harmonieusement.
Agir et pouvoir changer, transformer, un tel fond relève principalement de l’expérience humaine, et plus particulièrement d’un certain type d’expérience humaine : celle qui est réparatrice, régénératrice, ou bien encore transformatrice de la personnalité humaine.
Il y a du bon à développer et entretenir des rapports sociaux multiples et variés car l’Homme est ainsi fait qu’il est un « animal social ».
Aller vers les autres, suppose donc que le trajet soit motivé par une recherche de connaissance à partir d’une ignorance fondatrice : ne pas savoir et (se) faire cependant confiance est bien ce qui caractérise la confiance en soi, ce qui permet par ailleurs l’apprentissage (essais, erreurs), la connaissance et la découverte.
L’élève doit avoir confiance en son maître, tout comme le maître doit toujours permettre et favoriser la confiance de l’élève.
Comme le relève Michela Marzano dans son article « Qu’est-ce que la confiance ? » (1) à propos des travaux du sociologue Georg Simmel :
« Pour lui , la confiance est sans aucun doute « une forme de savoir sur un être humain », mais ce savoir englobe toujours une part d’ignorance : « Celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance. »
La confiance en soi comme désir d’exploration et relativisation du risque : « l’esprit pionnier ».
« N’allez pas ou le chemin vous mène, allez plutôt là où il n’y a aucun chemin et tracez une voie. »
Voici bien une phrase (hors contexte) qui est cependant abondamment mise en avant de nos jours. Qu’est-ce que cela peut vouloir signifier pour un penseur américain du XIXème siècle comme Ralph Waldo Emerson ?
Ralph Waldo Emerson est issu d’une famille de pasteurs, ses points de repères sont la rigueur morale, la volonté de l’esprit et le libre-arbitre.
Il est élevé dans une religion unitariste chrétienne qui rejette la Sainte Trinité et accorde une place centrale à la nature humaine de Jésus. L’« Ousia » grecque est non hypostasiée en 3 entités comme il est question dans la doctrine officielle du Christianisme, et ce depuis le premier Concile de Nicée de 325.
La nature divine de Jésus est donc rejetée et l’Homme est étincelle divine proche de Dieu. En ce sens, l’Unitarisme provient de l’Arianisme du début de IV siècle, lui-même issu d’un fond de débats philosophiques anciens entre absolu et transcendance.
Pour Emerson, la Nature donne les règles de la vie heureuse, elle n’est en aucun cas hostile puisque, par essence, elle est ordonnatrice du Grand équilibre.
Tracer des chemins en son sein ne peut alors être qu’une aventure investie, joyeuse et non périlleuse.
Ralph Waldo Emerson participe, en 1836, à la création du mouvement transcendantaliste qui repose sur l’idée d’une essence spirituelle et mentale de l’Homme au cœur des destinées et des responsabilités de chacun.
On peut y voir, en ce sens, une avant-garde et une source d’inspiration majeure des mouvements New-Âge et Hippies des années 60 ; tout comme pour ce que l’on désigne aujourd’hui par « développement personnel » ou bien encore « auto-détermination » de par l’encouragement constant à être soi-même, devenir, vivre selon sa propre nature.
Il y va d’un certain « esprit pionnier », confiant en la Nature, confiant en la propre nature de l’Homme, qui poussé par cet élan divin explore les possibilités qui s’offrent à lui.
Se connaître et ne pas reculer devant l’inconnu ou se prémunir des risques potentiels et des dangers : vous avez là l’aventurier dans toute sa nudité.
L’aventurier est quelqu’un qui transcende les situations de la vie, pour le meilleur ou pour le pire, en ne regardant de prime abord que le meilleur.
L’aventurier est celui par qui les aventures arrivent, et non pas celui à qui il arrive des aventures.
L’écrivain Milan Kundera définit l’aventure comme une « découverte passionnée de l’inconnu ».
L’aventure passionnée de l’inconnu est également ce qui permet à l’Homme de se découvrir lui-même, au cœur même de la confiance, comme « reliance » entre une intériorité individuelle et l’infini des possibilités d’un monde donné.
Bibliographie recommandée
- La confiance en soi et autres essais, Ralph Waldo Emerson, Editions Payot & Rivages, Paris, 2000
- Philosophie Magazine n°93 octobre 2015 : Etre ou avoir, Posséder a-t-il encore un sens ? Emerson et la confiance en soi
- Restaurer la confiance dans l’entreprise, Frédéric Petitbon, Alain Reynaud, Hubert Heckmann, Editions Dunod, Paris, 2010
Articles recommandés
- Qu’est-ce que la confiance ? Michela Marzano, Cairn Info https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-1-page-53.htm
Ping : Bases relationnelles : La confiance, tout ou rien ? • Norbert Macia