Les différentes demandes dans le coaching
La demande initiale de coaching comme signal d’appel.
La lecture récente du très pédagogique ouvrage de Gabriel Hannes, « Coach professionnel », m’amène aujourd’hui à vous parler des différentes demandes que nous rencontrons dans le coaching.
Sujet, de mon point de vue, de la plus haute importance puisque la demande du client est ce qui guide le coach professionnel dans sa proposition d’accompagnement.
Première observation préalable :
Nous autres coachs nous proposons fréquemment une première séance de coaching, gratuite ou payante, pour tenter de comprendre la demande de nos clients.
Je pense, pour ma part, qu’une seule séance de coaching ne suffit pas, à elle seule, et dans la grande majorité des situations, à faire le tour de la demande, en comprendre les tenants et les aboutissants.
Deuxième observation préalable :
Nous avons tendance parfois à identifier, un nouveau client, comme un ou une coaché(e), alors même, comme nous le verrons plus avant, que ce nouveau client est peut-être simplement un prospect, un consommateur, un patient qui s’ignore, un agent de la CIA, une victime du front de libération des nains de jardins, ou bien que sais-je encore, et que sa véritable identité ne se déclinera parfois que bien après la première séance ou le premier contact.
Il ne s’agit donc pas ici de voir le mal partout mais simplement souligner que l’étiquetage hâtif peut être source d’erreur et nous conduire dans une impasse relationnelle : nommer hâtivement une personne comme « coaché(e) » c’est déjà le considérer comme relevant d’un dispositif et d’un travail de type coaching en soi.
Restons donc vigilants, et ce dès l’entrée en matière, à l’égard de nos biais cognitifs respectifs.
L’éclaircissement et la compréhension de la demande comme confirmation de direction et de sens.
Je vais utiliser une image pour illustrer cette idée : la première séance qui correspond à la demande initiale de coaching serait l’équivalent figuré d’une personne appelant un taxi sur le bord d’une route.
L’intention est bien là, le signe de la main se fait, le premier contact se réalise, la relation est pressentie en termes de sympathie, d’amabilité, de confiance entre dans le chauffeur du taxi et son passager : cela est la première étape de l’appel.
La direction, quant à elle, n’est pas encore communiquée.
L’appel n’est donc pas la même chose que la demande.
Sur ce point, Gabriel Hannes nous avertit :
« N’oublions pas enfin de souligner que notre métier a beau être de plus en plus technique, avec de nombreuses spécialisations, il n’en reste pas moins que nous parlons avant tout d’une posture, d’une manière d’engager la relation, de créer les conditions pour que nos clients construisent leur solution. Parfois, une simple présence suffit. »
Les douze types de demandes : distinctions et précautions d’usage
L’auteur nous invite donc aussi à la prudence afin de distinguer les différentes demandes de coaching et pouvoir y associer les processus d’accompagnement correspondants : cette association est, selon lui, le « socle du métier » de coach.
1) Qu’est-ce qu’une demande explicite ?
« La demande explicite est celle qui est directement formulée par le coaché quand on lui pose la question. »
En tant que telle, la demande explicite donne le « La » mais nous ne pouvons pas la prendre comme un acquis définitif sans avoir pris le temps de l’approfondir, la dépoussiérer, afin de vérifier qu’elle soit bien alignée sur les besoins réels du client.
Questionner la demande explicite permet aussi de vérifier que sa traduction en termes d’objectifs sera réaliste et accessible en termes de moyens et de ressources.
2) Qu’est-ce qu’une demande latente ?
« La demande latente est celle qui n’a pas encore émergé car elle reste, avant le début de l’accompagnement, dans des niveaux préconscients ou inconscients. Elle n’émergera qu’avec le processus de clarification du réel (…). »
La nécessité ici, pour le coach, d’explorer la demande du client par une batterie de questions ouvertes ou dirigées doit permettre la mise en lumière du sens réel de la demande que le coach doit identifier clairement et confronter avec son client pour validation.
La latence est un délai d’attente, un retard souvent inconscient ou réflexif, que le client n’exprime généralement pas directement mais bien par bribes : il faut ici, pour un coach professionnel, avoir en tête l’image du Petit Poucet des contes de Perrault laissant derrière lui des pierres, ou des morceaux de pain, pour tenter de retrouver son chemin.
Pour dépasser le stade de la demande latente et identifier la demande réelle, le coach doit identifier les bribes de la demande réelle qui produiront le récit de celle-ci, alors que la demande latente en est le contexte ou bien encore le prétexte.
3) Qu’est-ce qu’une demande confuse ?
Ce qui caractérise la confusion, rappelons-le, est le trouble mental qui s’exprime dans le discours mais aussi, et suivant le degré d’intensité, dans le comportement d’une personne.
Le Larousse définit la confusion mentale comme :
« l’État pathologique qui se caractérise par une désorganisation et une dissolution de la conscience. Le terme de confusion, très général, tend actuellement à être remplacé par celui de « delirium », pour désigner plus précisément certaines affections. »
Dans une séance de coaching, comme nous le recommande l’auteur, l’enjeu majeur consiste dans le fait que le coaché puisse « déposer », se délester, de tout le contenu de son esprit par le moyen de la demande, en tenant compte de l’agitation comportementale et de l’activité émotionnelle.
Tel un trop plein, et une fois les contenus exprimés, Gabriel Hannes propose l’utilisation du processus type des « Huit zones d’interventions » du coach Vincent Lenhardt (page 49) : c’est-à-dire un cadre de travail dans le dispositif du coaching, afin d’aborder la demande confuse sous un abord méthodologique.
Pour faire avancer le coaché, l’auteur nous recommande d’utiliser ce processus en se centrant sur les processus parallèles du coaché : c’est-à- dire tous les vécus reproduits dans la relation avec le coach qui viennent entraver l’avancement vers la résolution du problème, la prise de décision efficiente ou le changement en cours.
4) Qu’est-ce qu’une non-demande ?
Ce qui caractérise la non-demande est l’indifférence : si vous n’êtes pas dans le besoin de rechercher un emploi, à quoi bon que l’on vous en propose un ?
L’auteur nous indique, avec raison, que cette situation se rencontre fréquemment lorsque le coaching a été prescrit sans un réel consentement, ou motivation, de la personne coachée.
Autre cas pouvant aussi être classé dans cette catégorie : les curieux maladifs, les touristes de l’apprentissage et de l’ « expérience intéressante » qui seront tout à fait intéressés par la proposition sans s’y engager réellement.
La proximité peut aussi être un des pièges de la non-demande : l’auteur nous rappelle ici le concept de « double lien » ou lorsque le coach est un (trop) proche de la personne qu’il doit coacher.
Dans le coaching, la juste distance est nécessaire car elle préserve la lucidité qui, rappelons-le avec le poète Rene Char, est « la blessure la plus rapprochée du soleil ».
5) Qu’est-ce qu’une contre-demande ?
La contre-demande se caractérise par l’image de remonter le courant d’un cours d’eau : le coach se trouve confronté à de fortes objections ou blocages : « Non, ce n’est pas ça ! », « Non, ce n’est pas du tout ça le problème ! ». Nous sommes, pour le dire de manière humoristique, proche de la psychologie des « Chevaliers du Ni » chers aux Monty Python (…) …
Alors, à défaut de « Jardinet » en guise de cadeau, le coach devra faire preuve de patience, jusqu’au moment nécessaire de la confrontation : « Est-ce que vous avez réellement besoin de moi ? », « Que pouvons-nous faire pour trouver une solution ensemble ? ».
La contre-demande va demander du temps, mais cela peut aussi se résoudre sans forcer la chose, comme le souligne Gabriel Hannes :
« Le coaché est en contre-dépendance. Il a besoin de la parole du coach pour faire émerger la sienne. Ainsi, même si cela peut générer un certain inconfort, le simple fait d’accepter cette mécanique sans chercher à la stopper peut y mettre justement fin. »
6) Qu’est-ce qu’une anti-demande ?
Un « anti-demandeur » est une personne qui vient de manière forcée, contre sa volonté et qui n’a pas le désir d’être accompagné. »
Cette situation se rencontre effectivement lorsque le coaching a été prescrit à quelqu’un et que cette personne n’a tout simplement pas osé repousser la proposition.
Dans un autre cas de figure, comme nous le précise l’auteur, une personne se confronte au coach afin de se prouver à elle-même qu’elle n’a pas besoin d’un coaching, voire que cette démarche est totalement inefficace ou que le coach est un incapable et un incompétent.
L’insincérité, la manipulation et l’agressivité peuvent être présentes dans ce type de situation, et le coach doit faire preuve d’un grand professionnalisme afin de ne pas se laisser engluer dans l’exercice : la métacommunication est, selon l’auteur, conseillée afin de communiquer sur ce qui se passe et préparer la finalisation du coaching lorsqu’il n’y a pas d’autres possibilités d’évolution.
7) Qu’est-ce qu’une demande ambigüe ?
« C’est un type de demande qui se caractérise par plusieurs éléments, comme « x ET y » en même temps, alors que dans l’esprit du coaché, ces éléments apparaissent comme une alternative « x OU y ».
Dans cette situation, l’auteur nous recommande de coacher sur le « partage de représentations » afin d’amener la personne coachée à prendre conscience de l’impasse dans laquelle il ou elle se trouve et, à partir de cela, trouver sa propre issue.
L’auteur nous rappelle très justement que, dans cette situation le coach n’a pas à trouver des solutions clés en mains pour son client, mais bien de lui proposer un processus (le moyen) d’accompagnement par lequel il pourra lui-même construire et s’approprier sa propre solution.
8) Qu’est-ce qu’une demande ambivalente ?
« Le coaché demande x et non x, c’est-à-dire qu’il demande une chose et exactement son contraire. »
La demande est ici poussée par une dynamique de « double contrainte » : pour traiter cette ambivalence le coach va devoir, comme nous le recommande l’auteur, méta communiquer afin que son client soit dans la capacitée de prendre une décision et trancher entre l’un et son contraire.
Gabriel Hannes souligne ici le fait de pouvoir inclure dans le travail la « Courbe du deuil », d’Elisabeth Kübler-Ross (voire le schéma ci-contre) : cette courbe est effectivement très utilisée dans les situations de « ruptures d’attaches non voulues » et peut, de fait, aider une personne dans le processus de décision.
9) Qu’est-ce qu’une demande paradoxale ?
« Dans la demande, se cache un paradoxe, comme : « Aidez-moi à me débrouiller seul. Le client formule cette demande parce qu’il en a vraiment besoin. Il a vraiment besoin d’aide pour se débrouiller et se débrouiller seul. »
Ici, l’auteur nous recommande de faire un pas de côté afin de ne pas procéder comme à l’accoutumée : il s’agit de montrer comment et quoi faire et ensuite partir, laisser l’autre se débrouiller seul.
Les interlocuteurs doivent se mettre d’accord sur la façon de procédé et le coaché se confrontera, seul, au processus de l’accord.
10) Qu’est-ce qu’une demande problème ?
« C’est une demande particulière qui nécessite une grande transparence entre le coach professionnel et son client. D’une certaine manière, la personne n’envisage pas de résoudre son problème car c’est autour de lui qu’elle se structure. »
Ici, l’auteur nous recommande d’être extrêmement attentif et ne pas se laisser enfermer dans une dynamique dramatique de type Karpman (persécuteur, sauveur, victime) : le coach peut tout simplement refuser ce type de demande ou bien amener son client à prendre conscience de son problème afin que lui-même s’en extirpe ou, pour le moins, avance des éléments de solutions.
< Par Wikpan — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=57519028
11) Qu’est-ce qu’une demande-problème ?
« C’est probablement l’un des types de demandes qui met le plus en difficulté le coach professionnel. Son client lui explique ce qu’il veut et surtout comment il souhaite que le coach professionnel fasse. »
Comme nous le précise Gabriel Hannes, ce type de demande est très problématique : ce n’est pas le client qui décide du dispositif, ni de la méthodologie.
Ce que le coach propose (un dispositif, un processus, une méthode d’accompagnement) est ce qui permet la prise de distance sur la problématique du client : il y a une remise en question nécessaire de ce que demande, précisément, le client.
C’est ce que j’appelle également une demande d’inversion des rôles : si le coach accepte ce jeu, il en ressortira perdant, tout comme, in fine, le client.
C’est aussi un rapport de force inconscient, de la part du client, qui se joue entre lui-même et une figure potentielle de l’autorité : le coach.
Le coach ne doit donc pas, comme nous le rappelle l’auteur, céder un pouce de son territoire, et de ses prérogatives, et questionner son client sur sa manière d’aborder le coaching.
12) Qu’est-ce qu’une demande-objectif ?
« Cette demande peut aussi mettre les professionnels de l’accompagnement en difficulté. En effet, elle vise à contraindre le coach professionnel à répondre coûte que coûte aux objectifs posés par le client. Or, si ce dernier est le premier responsable des objectifs qu’il se fixe, le coach professionnel peut se prononcer sur la qualité de ces objectifs (sont-ils suffisamment spécifiques, mesurables, acceptables, réalistes et temporellement définis – SMART – ou non ?). »
L’acronyme SMART peut en effet nous renseigner sur l’aspect « réaliste » des objectifs choisis : il n’est absolument pas clair pour beaucoup de personnes d’avoir une suite logique en tête (j’appelle cela un cadre logique) qui, reprenant en toile de fond l’acronyme SMART, pose une hiérarchie entre objectifs stratégiques, objectifs opérationnels, tâches, actions, indicateurs de réalisation (KPI) et correctifs.
Conclusion
Voici donc un bref résumé de cette quatrième partie du chapitre 1 (Des accompagnements individuels plus techniques et divers) de l’ouvrage de Gabriel Hannes qui nous a permis d’avoir une vue panoramique sur les différentes demandes rencontrées dans le coaching, à mettre en lien avec les bonnes attitudes et pratiques à déployer en face de chaque situation rencontrée.
Bibliographie
Hannes, Gabriel, Coach professionnel, Paris, Editions Eyrolles, 2022